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Découverte
Émile Flamant, un fresquiste de talent
Un artiste local

La Reconstruction est une période qui a permis aux artistes de s’illustrer dans de nombreux domaines : mosaïque, vitrail, sculpture, peinture, ferronnerie… Émile Flamant est l’un d’eux.

QUI EST-CE ?

Émile Marcel Flamant est un fresquiste français, né à Bohain-en-Vermandois (Aisne) le 18 janvier 1896. Il passe une partie de sa vie à Caudry (Nord) où son père, Ernest Émile Flamant, dirige un atelier de tissage. Émile Flamant est un élève brillant qui se destine, dans un premier temps, au professorat. Toutefois, en 1912, il finit par intégrer l’École des Beaux-Arts de Valenciennes (Nord) où, remarqué par ses professeurs, il obtient une bourse qui lui permet de poursuivre ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1914. C’est ainsi qu’il entre dans l’atelier de Lucien Jonas (1880-1947), un peintre d’histoire et de genre, où il reste pendant 7 ans et où il est médaillé. C’est durant ces années qu’il rencontre Henri Matisse (1869-1954), un peintre de l’avant-garde, lui-même ayant passé sa jeunesse à Bohain-en-Vermandois. Cette rencontre change complètement sa vision de la peinture en raison du caractère révolutionnaire de l’art d’Henri Matisse, chef de file du fauvisme qui repose sur l’utilisation de la couleur pure et des formes simplifiées. Émile Flamant se cherche, sa peinture évolue et il s’aperçoit que le Prix de Rome qu’il prépare ne lui correspond plus. Cependant, toujours influencé par sa formation aux Beaux-Arts et sur les conseils de ses maîtres, il se dirige vers une carrière de fresquiste en 1921.

La technique de la fresque qu’Émile Flamant définit ainsi : “C’est de l’aquarelle et du lavis en grand sur un mortier frais”, est un procédé difficile. Il consiste à apposer des pigments, délayés à l’eau, sur un enduit de chaux et de sable étalé sur la surface destinée à recevoir la fresque. Avant de peindre sur l’enduit, le fresquiste réalise un dessin dans les véritables dimensions, appelé carton que l’on pique et ponce. La particularité de cette technique est que l’artiste n’a pas le droit à l’erreur. Il doit faire preuve de rapidité pour peindre avant que l’enduit ne sèche et n’a pas la possibilité de rectifier ou corriger. L’enduit est étalé sur le mur au fur et à mesure, selon ce que le fresquiste se sent capable de peindre en une journée.

Détail, poilu de la fresque du chœur de l’église de Remaucourt – Maryse TRANNOIS

Vue du chœur de l’église de Remaucourt – Maryse TRANNOIS

Les fresques d’Émile Flamant se caractérisent par de grands personnages ancrés dans un décor local, mais aussi par l’utilisation de couleurs chaudes : rouge, ocre, jaune, orange, et intenses : bleu de la Vierge, ainsi que d’aplats larges qui créent des formes aux lignes marquées et majestueuses.

C’est surtout après la Première Guerre mondiale qu’il se fait connaître. En effet, en plein contexte de Reconstruction, il est sollicité pour la décoration d’édifices religieux et profanes dans l’Aisne, le Nord et le Pas de Calais. Émile Flamant est alors considéré comme un artiste Art déco. Il est, entre autres, à l’origine des fresques de l’église de Remaucourt (Aisne), commune de l’agglomération de Saint-Quentin mais aussi de celles de l’église de Becquigny (Aisne), de Fresnoy-le-Grand (Aisne) et de la salle des Mariages de l’Hôtel de Ville de Bohain-en-Vermandois, communes du Vermandois. Dans le Nord, il a œuvré, notamment, à la décoration intérieure des hôtels de ville de Caudry et de Cambrai, de la Chambre de Commerce de Cambrai, mais aussi du Palais de la Bourse et du Palais de la Municipalité de Lille.

Émile Flamant décède le 12 septembre 1975 à Fresnoy-le-Grand où il est enterré auprès de ses parents et de sa sœur.

Les fresques de l'église saint-Géry de Remaucourt

Église Saint-Géry de Remaucourt -Maryse TRANNOIS

Remaucourt, comme de nombreuses communes, est considérablement touchée par la Première Guerre mondiale. L’église Saint-Géry, notamment, est à reconstruire après avoir été la cible de bombardements. Dans les années 1920, la commune organise sa reconstruction. Pour la décoration intérieure, l’artiste local, Émile Flamant, est engagé. On lui doit les fresques du chœur, de la nef ainsi que le chemin de croix.

On reconnaît immédiatement la main d’Émile Flamant : personnages grandeur nature, élancés et couleurs chaudes, typiques de l’Art déco.

A l’intérieur de l’édifice, on est époustouflé par la majesté du Christ du chœur. Les bras écartés, un halo autour de la tête, le sacré cœur palpitant, il accueille tous ceux qui entrent. Il est entouré de plusieurs personnages. A sa gauche, se trouvent saint Éloi, une petite fille et Émile Flamant, lui-même, représenté avec une gerbe de blé. A sa droite, on observe un poilu, une religieuse à genoux tenant un enfant, une femme portant un enfant et un vieil homme.

Fresque du chœur de l’église de Remaucourt, représentant le Sacré-Cœur – Maryse TRANNOIS

Panneau représentant saint Michel – Maryse TRANNOIS

Émile Flamant a orné de fresques les différents panneaux de la nef.

En entrant dans l’église, à gauche, on identifie saint Martin, sur son cheval, déchirant son manteau pour le donner à un mendiant. Devant lui, se trouve saint Éloi, évêque de Noyon, en discussion avec saint Géry, évêque de Cambrai.

Sur le panneau suivant, saint Georges, en tenue d’officier romain, juché sur sa monture, tient la lance avec laquelle il a terrassé le dragon, dont on voit la tête ensanglantée en bas à gauche. Devant lui, sainte Barbe, une palme à la main, la tour dans laquelle elle a été enfermée à ses pieds, marche en compagnie de sainte Cécile, une couronne de fleurs sur la tête, tout comme sainte Barbe, symbole de virginité, et un instrument de musique à la main, en souvenir de la musique céleste qu’elle entendit en allant au martyre. Devant elles, saint Pierre ouvre la marche, deux clés à la main, permettant d’ouvrir et de fermer les portes du Paradis.

Sur le panneau se trouvant juste avant le chœur, se déploie saint Michel, dans son armure, l’épée à la main, l’autre levée en signe de bénédiction. Devant lui, sainte Jeanne d’Arc, en tenue de combat, brandit son épée, montée sur son cheval caparaçonné. Viennent ensuite, sainte Marguerite, tout de blanc vêtue, la palme du martyre à la main, sainte Catherine d’Alexandrie, la roue à pointe, instrument de son martyre, aux pieds, et saint Nicolas, mitré et crossé, avec les trois enfants dans le tonneau, victimes d’un boucher et qu’il a ressuscités.

Détail, sainte Barbe, sainte Cécile et saint Pierre – Maryse TRANNOIS

Sur le premier panneau de droite, saint Louis, perché sur sa monture, brandit son épée par la pointe. De gauche à droite, on reconnaît sainte Marguerite-Marie, sœur de la Visitation, les bras tendus, impatiente de retrouver le Sacré-Cœur de Jésus, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, un crucifix dans une main, distribuant des pétales de rose de l’autre et saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars et saint patron de tous les prêtres du monde.

Sur le panneau suivant, saint Hubert, patron des chasseurs, est représenté à cheval, l’arme brandie, une tête de cerf au-dessus de lui. A ses pieds, de gauche à droite, se trouvent saint Quentin, à genoux, les clous de son martyre plantés dans les épaules, une palme à la main, saint Roch, en habit de pèlerin, et son chien et saint Sébastien, criblé de flèches, un pagne autour des hanches et les chevilles attachées.

Le dernier panneau figure saint Gabriel, les ailes déployées, tenant une banderole où est écrit « AVE MARIA GRATIA PLENA » (« Je vous salue Marie, pleine de grâce ») ainsi que la sainte Famille. Saint Joseph tient la bride de l’âne sur lequel est montée la sainte Vierge Marie, tenant l’enfant Jésus tout contre elle.

Panneau représentant saint Hubert – Maryse TRANNOIS

Les saints de chaque panneau semblent converger vers le Christ du chœur. Ils sont représentés avec leurs attributs et identifiés par l’auréole qui les entoure. On retrouve des saints locaux comme saint Géry, évêque de Cambrai et saint patron de la commune de Remaucourt et saint Quentin, qui a donné son nom à la ville voisine.

La palme tenue par de nombreux saints est la palme du martyre, symbole de la victoire des martyrs sur la mort par la résurrection.

Cette fresque est un témoignage précieux de la Reconstruction et du style Art déco, laissé par Émile Flamant.

 

 

par Léa Spodar, 02/2024